Il est aujourd’hui seul face à l’histoire, dans une prison dorée. Il a régné. Il s’est tu. Aujourd’hui, Il gêne. Dans l’euphorie officielle de la nouvelle ère Oligui Nguema, le nom d’Ali Bongo flotte en arrière-plan, tel un vestige encombrant que le pays tente d’oublier sans vraiment y parvenir. Celui qui, après avoir survécu à un AVC en 2018 et à un coup d’État en 2023, semble désormais relégué aux marges de la vie politique gabonaise.
De président à prisonnier du silence
Depuis sa chute brutale le 30 août 2023, l’ancien chef de l’État vit dans un isolement presque total. Assigné à résidence à Libreville dans les heures qui ont suivi le putsch militaire, il avait brièvement réapparu dans une vidéo, visiblement désorienté, appelant ses soutiens à « faire du bruit ». Puis plus rien.
Fin septembre 2023, la junte avait levé sa résidence surveillée, sans que cela ne change grand-chose : Ali Bongo ne s’est jamais envolé pour l’étranger, malgré les autorisations médicales. Il est resté cloîtré dans sa résidence de la capitale, muré dans un silence qui intrigue autant qu’il inquiète.
“J’en ai marre” : l’aveu d’un homme brisé
Mais en mars 2025, contre toute attente, il a accordé une interview exclusive à Jeune Afrique, rompant avec des mois d’ombre et de rumeurs. Un entretien court, presque arraché, dans lequel il lâche une phrase devenue virale : « J’en ai marre. » Une déclaration sèche, amère, qui résume l’état d’esprit d’un homme acculé, lassé d’être réduit au silence, privé de ses proches et dépossédé de son héritage politique.
Un empire familial en ruines
Autour de lui, la purge continue. Son épouse Sylvia Bongo est toujours détenue. Son fils Noureddin, longtemps considéré comme l’homme fort du Palais du bord de mer, croupit en prison. D’autres membres de la famille font face à des accusations de corruption et de détournement de fonds.
Jalil et Bilal, ses fils cadets, vivent reclus à Londres dans une propriété de luxe évaluée à près de 40 millions de livres sterling, mais sans accès aux comptes bancaires familiaux. Une plainte a été déposée en France, évoquant « séquestration » et « torture » contre certains membres du clan Bongo.
En mai 2024, Ali Bongo et ses deux fils ont même entamé une grève de la faim, geste désespéré qui n’a pas trouvé d’écho au sein du pouvoir gabonais. À Libreville, les autorités font mine de tourner la page, sans ménagement.
En février 2025, l’aéroport de Port-Gentil a été débaptisé : il ne portera plus le nom d’Ali Bongo Ondimba. Une décision symbolique, révélatrice d’une volonté d’effacer toute trace de son passage au sommet de l’État.
Une tribune contre l’amnésie collective
Une voix s’est élevée contre cette entreprise de démolition politique : celle de Nicole Assélé, ancienne ministre et militante féministe. Dans une tribune vigoureuse, elle a dénoncé « l’acharnement » contre l’ancien président et « les tentatives éhontées de réécriture de l’histoire du Gabon ».Mais la majorité semble avoir choisi l’amnésie.
À l’heure où Brice Oligui Nguema s’apprête à prêter serment devant la nation, Ali Bongo regarde le pays se reconstruire sans lui. Pour la première fois depuis des décennies, aucun membre de la famille Bongo ne participera à la passation du pouvoir. Pas même comme spectateur.
Le silence d’un homme fatigué. Le poids d’un nom désormais encombrant. La lassitude d’un ancien président devenu témoin impuissant de sa propre éviction. « J’en ai marre », avait-il dit. Et tout le pays semble l’avoir entendu , sans pour autant lui répondre.
Constantin GONNANG, Afrik inform ☑️