Le vent de réforme qui souffle sur Libreville depuis la chute du régime Bongo a franchi une nouvelle étape ce 5 mai 2025, avec la publication par la présidence de la République de la toute première équipe gouvernementale de la 5e République. Une configuration inédite, portée par une volonté affichée de rupture et d’efficacité.
Le chef de l’État, Brice Clotaire Oligui Nguema, assume désormais seul la conduite du pouvoir exécutif, dans un cadre institutionnel qui fait l’économie de la fonction de Premier ministre, désormais remplacée par celle de vice-président selon la nouvelle Constitution, un rôle désormais confié à Alexandre Barro Chambrier.
Raymond Ndong Sima, dernier à occuper ce poste (premier ministre) , a remis sa démission la veille, le 4 mai. Elle a été acceptée sans surprise. Le nouveau dispositif dessine les contours d’un gouvernement plus ramassé, plus ciblé, réduit à 30 membres contre 35 dans l’équipe de précédente, un clin d’œil symbolique à la critique longtemps portée contre les gouvernements pléthoriques sous l’ère Bongo.
Dans cette équipe resserrée, certaines figures montantes de la transition voient leur champ d’action s’élargir. C’est le cas d’Ulrich Manfoumbi Manfoumbi, visage bien connu depuis le 30 août 2023, lorsqu’il avait lu à la télévision nationale le communiqué fondateur du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI).
Déjà propulsé au rang de ministre chargé de mission à la présidence et porte-parole du CTRI à l’issue du putsch, il devient aujourd’hui ministre d’État, en charge des Transports, de la Marine marchande et de la Logistique.
Parmi les grandes innovations du nouveau gouvernement, figure la création du ministère de l’Entrepreneuriat, fruit d’une fusion stratégique des anciens portefeuilles du Commerce, des Petites et Moyennes Entreprises (PME) et de l’Artisanat. À sa tête, Zenab Gnigna Chaing, qui hérite de la lourde mission de relancer l’économie par le bas, à travers un tissu entrepreneurial trop longtemps négligé.
Autre restructuration notable : les portefeuilles de l’Économie, des Finances et du Budget ont été fondus dans une même entité. Henri Claude Oyima, personnalité influente du secteur bancaire gabonais, prend les rênes de ce ministère d’État aux contours élargis, également chargé de la lutte contre la vie chère. Un signe fort dans un contexte social marqué par des attentes pressantes de résultats concrets.
Camélia Ntoutoume Leclercq, figure familière de la société civile et ancienne ministre sous la transition, conserve sa place au sommet de l’Éducation nationale, de l’Instruction civique et de la Formation professionnelle, désormais avec le rang de ministre d’État. Tout comme l’universitaire Ulrich Manfoumbi, elle incarne ce pont entre rupture et continuité, essentiel à l’équilibre du nouvel exécutif.
La Défense reste entre les mains de Brigitte Onkanowa, tandis qu’Hermann Immongault prend le contrôle du ministère de l’Intérieur, dans une conjoncture sécuritaire sous tension, où les défis de décentralisation s’ajoutent à ceux de la cohésion nationale. Séraphin Akure Davain hérite de la Justice, avec la double casquette de Garde des Sceaux et chargé des Droits humains ,un poste stratégique dans un pays en reconstruction institutionnelle.
Le ministère de la Mer, de la Pêche et de l’Économie bleue est confié à Laurence Mengue-Me-Nzoghe, qui occupe également le rôle de porte-parole du gouvernement. L’accent mis sur l’économie bleue traduit une volonté de diversification économique tournée vers la valorisation des ressources maritimes, dans un pays à la façade maritime encore sous-exploitée.
Les figures de la réforme, de la planification, de l’environnement ou encore de la digitalisation trouvent également leur place dans ce nouveau dispositif. Mark Doumba est chargé de l’Économie numérique, de la Digitalisation et de l’Innovation, tandis que Mays Mouissi hérite de l’Environnement, de l’Écologie et du Climat. Des portefeuilles de plus en plus stratégiques, à l’heure où le Gabon tente de se positionner comme un leader régional sur les questions climatiques et technologiques.
Au rang d’autres portefeuilles récemment confiés, Adrien Mougougou, professeur reconnu du corps médical, prend la tête du ministère de la Santé, avec pour mandat de restaurer un système sanitaire éprouvé par des décennies de négligence.
À ses côtés, Odette Polo épouse Panzou, en charge de l’Agriculture, de l’Élevage et du Développement rural, portera le chantier sensible de la souveraineté alimentaire.Sosthène Nguema Nguema se voit confier le ministère du Pétrole et du Gaz, secteurs toujours au cœur des recettes publiques.
Aux Mines, Gilles Nembe devra repenser l’exploitation dans une optique de transparence et de transformation locale. Maurice Ntossui Allogo, quant à lui, prend la direction des Eaux et Forêts, un poste scruté de près en raison des tensions persistantes entre activités humaines et préservation de la biodiversité.
Le ministère du Tourisme durable et de l’Artisanat revient à Pascal Ogoulit Sifon, tandis que Philippe Tonangoye hérite de celui de l’Eau et de l’Énergie, avec l’ambition d’élargir l’accès universel à ces ressources de base. À la tête de la Planification et de la Prospective, Louise Myvono devra accompagner les projections de ce nouveau Gabon en mutation.
Sur le terrain social, Nadine Awanang épouse Anato supervise les Affaires sociales et l’Inclusion, pendant que Élodie Diane Poufoue épouse Sandjoh prend en charge la Femme, la Famille et la Protection de l’Enfance. Le ministère du Travail, du Plein emploi et du Dialogue social revient à Patrick Bareba-Isaac, qui devra réconcilier attentes sociales et contraintes budgétaires.
Enfin, Marcelle Ibinga épouse Tsikisa pilotera la Fonction publique et le Renforcement des capacités, tandis que Simplice Désiré Mamboula dirige l’Enseignement supérieur et la Recherche scientifique. Le ministère de la Communication et des Médias est attribué à Paul-Marie Gondjout, bouclant ainsi la liste de ce gouvernement à 30 visages, attendu au tournant de l’efficacité.
Des profils techniques, des femmes en nombre significatif, des ministères réorganisés autour de la logique de résultats : ce premier gouvernement de la 5e République se veut l’incarnation d’un changement de cap.
Constantin GONNANG, Afrik inform ☑️