L’heure n’est plus à la tolérance silencieuse au sein du ministère de la Justice. Dans une circulaire transmise à la Procureure générale près le Tribunal criminel spécial (TCS) ainsi qu’à tous les procureurs généraux près les cours d’appel du pays, Jean de Dieu Momo, ministre délégué à la Justice, tire la sonnette d’alarme. L’objet est explicite : « Manquements observés ». Le ton, lui, est sans équivoque.« Mon attention a été à maintes reprises appelée relativement à des procédures pénales sur des cas récurrents », écrit le ministre dans le document dont nous avons eu copie.
Il égrène une liste de dysfonctionnements particulièrement graves. Il s’agit notamment de décisions sur la culpabilité « motivée » uniquement par la non-comparution des personnes poursuivies, de réquisitions sur la culpabilité et sur la peine muettes sur les moyens de preuve et sur le quantum de la peine, de peines d’une légèreté blâmable concernant des faits d’une certaine gravité, ou encore de peines d’une sévérité excessive.
Un constat glaçant qui, selon le ministre, « semble suggérer une démobilisation de certains personnels judiciaires ». Le mal est donc profond, et la réponse, ferme. Face à ce relâchement jugé inacceptable, Jean de Dieu Momo exige des chefs de parquet une reprise en main immédiate de leurs équipes.
Il prescrit des lignes directrices strictes pour encadrer désormais les pratiques. Il leur enjoint, dans les réquisitions sur la culpabilité et sur la peine, de se prononcer explicitement et au besoin par écrit sur les moyens de preuve et sur le quantum de la peine. Il leur demande aussi de s’abstenir désormais de se limiter à requérir « l’application de la loi ».
Il leur ordonne de faire systématiquement appel ou pourvoi de tout jugement ou arrêt prononçant des peines d’une légèreté blâmable ou d’une sévérité excessive, surtout lorsque ces décisions concluent à la culpabilité uniquement en raison de la non-comparution des personnes poursuivies.
Dans cette circulaire, il ne s’agit pas d’une simple recommandation administrative. Le ministre exige « de lui rendre compte sans délai, pour une réponse disciplinaire appropriée, de tout manquement aux présentes instructions auxquelles il ’attache du prix».
Il attend également un accusé de réception de la lettre-circulaire ainsi qu’une notification écrite à tous les magistrats du parquet, afin que nul ne puisse prétendre ne pas avoir été averti.
Jean de Dieu Momo engage bien plus qu’un rappel procédural. Il engage une posture politique. Celle d’un ministère décidé à restaurer la rigueur et l’équité dans les salles d’audience, à un moment où la confiance des citoyens envers l’institution judiciaire semble chaque jour plus fragile.
Cette circulaire fera-t-elle date ? Tout dépendra, désormais, de l’aptitude des procureurs à remettre leurs troupes dans le droit chemin, et de la volonté du ministère à suivre d’effets les manquements constatés.
Constantin GONNANG, Afrik inform ☑️