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Les relations entre la France et l’Algérie sont à nouveau tendues. Rappel de diplomates, accusations d’ingérence, crise de confiance : un climat de tension qui ne date pas d’hier. Cette nouvelle poussée de fièvre diplomatique n’est qu’un épisode supplémentaire d’une série de frictions, souvent symboliques, parfois explosives. Voici dix clés pour tout comprendre.
1. Pourquoi parle-t-on de crise entre la France et l’Algérie ?
Parce que depuis plusieurs mois, les relations entre Paris et Alger connaissent un net refroidissement, marqué récemment par le rappel de 12 diplomates français en poste en Algérie. Cette décision, exceptionnelle par son ampleur, illustre une dégradation grave et assumée.
La tension s’est accrue à partir d’un fait précis : l’arrestation en France d’un agent consulaire algérien, accusé d’avoir participé à l’enlèvement d’Amir Boukhors, un opposant algérien exilé en France.
Pour Alger, cette arrestation viole les conventions de Vienne sur l’immunité diplomatique. Pour Paris, il s’agit d’une affaire pénale qui ne peut être couverte par l’immunité si l’agent est impliqué dans un acte criminel sur le sol français.
2. Qui est Amir Boukhors, et pourquoi son nom a ravivé les tensions ?
Amir Boukhors, alias Amir DZ, est un influenceur et cybermilitant algérien réfugié en France. Il est connu pour ses publications virulentes contre les figures du régime algérien. Il dénonce régulièrement la corruption et les abus de pouvoir, notamment via YouTube et Telegram.

En avril 2024, il est enlevé en banlieue parisienne, un rapt organisé selon la police française par un réseau impliquant plusieurs Algériens, dont un agent consulaire de l’ambassade d’Algérie à Paris. Ce dernier est arrêté, provoquant la colère immédiate d’Alger qui parle de « provocation » et de « mise en scène politique ».
« Nous ne pouvons tolérer qu’un de nos représentants soit traité comme un citoyen ordinaire alors qu’il bénéficie de la couverture diplomatique», a déclaré un haut responsable algérien.
3. L’affaire du Sahara occidental a-t-elle aussi pesé dans la balance ?
Oui, de manière directe. Le 30 juillet 2024, Emmanuel Macron annonce officiellement le soutien de la France au plan marocain d’autonomie du Sahara occidental, un territoire que l’Algérie considère comme devant être indépendant. Ce positionnement est vécu à Alger comme un camouflet diplomatique.

« La France trahit les engagements historiques et juridiques en soutenant une occupation», a dénoncé le ministre algérien des Affaires étrangères. En réponse, Alger rappelle son ambassadeur à Paris et suspend des opérations commerciales bilatérales.
C’est un contentieux structurel : la France soutient le Maroc, l’Algérie soutient le Front Polisario, et chacun campe sur ses positions depuis des décennies.
4. Qu’en est-il de l’affaire Boualem Sansal ?
L’arrestation en novembre 2024 de Boualem Sansal, écrivain franco-algérien engagé, a aussi provoqué un malaise. Accusé « d’atteinte à l’unité nationale », il est condamné à cinq ans de prison, après avoir critiqué le régime algérien dans une interview donnée à un média français.

Le Quai d’Orsay publie alors un communiqué dénonçant « une atteinte grave à la liberté d’expression », ce que les autorités algériennes considèrent comme une nouvelle ingérence française dans leurs affaires intérieures.
5. Les visas sont-ils encore un sujet de discorde ?
Oui. En mars 2025, la France décide de suspendre les accords de 2007 qui permettaient aux détenteurs de passeports diplomatiques algériens d’entrer en France sans visa.
Ce geste est présenté comme une sanction indirecte : Paris reproche à Alger de ne pas reprendre ses ressortissants en situation irrégulière. Une mesure déjà testée en 2021, et qui avait déjà provoqué une crise similaire.
6. Les tensions sont-elles seulement récentes ?
Non. La relation franco-algérienne est traversée depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962 par des ressentiments historiques profonds, notamment autour de la mémoire coloniale.
En septembre 2021, Emmanuel Macron avait déclaré lors d’un déjeuner avec des jeunes descendants de harkis que « la nation algérienne n’existait pas avant la colonisation » et accusé le régime d’Alger de « rente mémorielle ».

Ces propos avaient provoqué une crise d’une rare intensité. « La France doit sortir de la nostalgie coloniale et reconnaître ses crimes » , avait répondu Alger, en rappelant immédiatement son ambassadeur.
7. L’Algérie accuse-t-elle la France de désinformation ?
Oui, régulièrement. Plusieurs rapports officiels algériens évoquent des tentatives françaises de déstabilisation, notamment via des médias qui donnent la parole à des opposants ou à des figures critiques du pouvoir.
L’Algérie accuse également certaines ONG françaises de « double discours », en dénonçant des violations des droits humains uniquement lorsqu’elles concernent le régime algérien, mais en restant silencieuses sur d’autres pays alliés.
8. La diaspora algérienne en France complique-t-elle la relation ?
C’est un sujet sensible. La France abrite l’une des plus grandes communautés algériennes au monde, avec plus de deux millions de personnes d’origine algérienne. Cette présence massive influence les débats politiques, notamment en période électorale.
Certaines figures de la diaspora, comme Amir DZ, sont perçues à Alger comme des relais de déstabilisation. En retour, Paris est accusée d’entretenir une opposition extérieure.
9. Peut-on parler d’une crise durable ?
Cette crise est répétitive plus que durable. Les relations entre Paris et Alger sont marquées par des cycles : tensions, rupture, réconciliation, puis nouvelles tensions. Chaque crise semble clore un chapitre, mais les causes profondes, mémoire, géopolitique, souveraineté, ne sont jamais résolues.
10. Y a-t-il une porte de sortie ?
La diplomatie reste possible. Les deux pays savent qu’ils ont besoin l’un de l’autre : sur les questions migratoires, économiques, énergétiques. Mais il faudra sans doute, au-delà des gestes symboliques, entamer un dialogue de vérité, notamment sur la mémoire coloniale. Sans cela, la moindre étincelle pourra toujours rallumer la flamme du conflit diplomatique.
Constantin GONNANG, Afrik inform ☑️