La justice sénégalaise franchit un nouveau cap dans la traque des crimes économiques. Jeudi 17 avril, le procureur général près la Cour d’appel de Dakar, Mbacké Fall, a annoncé que cinq anciens membres du gouvernement de Macky Sall sont désormais ciblés dans une affaire portant sur la gestion du Fonds Force-Covid-19.
Ces personnalités pourraient être traduites devant la Haute Cour de justice si l’Assemblée nationale vote leur mise en accusation. Le dossier, qui s’inscrit dans une vaste campagne de reddition des comptes initiée par les nouvelles autorités installées en mars 2024, découle d’un audit du fonds d’un montant de 1 000 milliards de francs CFA mis en place entre 2020 et 2021 pour faire face à la pandémie.
Cet audit, intégré au rapport sur la situation des finances publiques entre 2019 et mars 2024, a mis en lumière plusieurs anomalies à connotation pénale.
Une opération d’envergure menée par le Pool judiciaire financier
Le procureur financier, El Hadji Alioune Abdoulaye Sylla, a révélé que 262 personnes ont été interpellées dans le cadre de 292 enquêtes ouvertes ou transférées au parquet spécialisé depuis septembre 2024. Ces investigations ont permis la récupération de 15 milliards de francs CFA, la saisie de 92 véhicules, ainsi que de plusieurs titres fonciers localisés dans les régions de Thiès et Mbour.
Parmi les personnes récemment entendues figurent 27 individus convoqués entre mercredi et jeudi. Si 26 d’entre eux ont été relâchés sous caution, une personne a été placée en détention provisoire. Ces auditions sont directement liées à la gestion controversée du fonds Covid-19.
Des faits graves : détournements, escroqueries, et corruption
Les charges retenues contre les suspects sont lourdes : détournement de fonds publics, escroquerie, concussion et corruption. « La lutte contre la délinquance économique et financière est complexe et longue, car elle implique souvent des réseaux bien structurés et des experts dans la dissimulation des biens illicites », a souligné le procureur du PJF.
Malgré ces défis, les magistrats insistent sur leur volonté d’agir avec rigueur et transparence. « Notre objectif n’est pas de mener une chasse aux sorcières, mais de garantir la justice. Le respect de la présomption d’innocence reste fondamental », a précisé le procureur Ibrahima Ndoye.
Un signal fort envoyé aux gestionnaires publics
Cette opération judiciaire marque un tournant dans la gouvernance au Sénégal. Les procureurs impliqués dans cette procédure ont tenu une conférence de presse conjointe au Palais de justice de Dakar, réaffirmant leur détermination à faire toute la lumière sur les soupçons de mauvaise gestion des fonds publics, en particulier dans un contexte de crise sanitaire.
Alors que l’Assemblée nationale doit encore se prononcer sur le sort des anciens ministres, cette affaire cristallise l’attention d’une opinion publique de plus en plus exigeante en matière de transparence et de reddition des comptes.
Constantin GONNANG, Afrik inform ☑️